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Le 3e volume de Terres rouges comprend trois articles de fond. Le premier est consacré à la terrible épreuve de force qui s'abat sur les ouvriers métallurgistes au moment de la grande crise économique mondiale consécutive au krach de Wall Street en octobre 1929. Paul Feltes y révèle les répercussions parfois dramatiques de cette dépression qui préfigure à bien des égards la catastrophe des années 1970 et 1980; il dévoile aussi sans ambages les ombres au tableau d'une politique gouvernementale supportée tant par le patronat que par les syndicats ouvriers et qui cherche à ménager les ressortissants luxembourgeois aux dépens des travailleurs immigrés, priés à quitter le pays. À l'opposé, l'auteur nous montre également les atouts de la récession. Ils consistent notamment en la création du Conseil national du travail (1936) qui, en représentant une espèce de Tripartite avant la lettre, incarne parfaitement le modèle social luxembourgeois.
Nadine Schmitz enfonce le même clou. Elle expose les nombreuses œuvres sociales initiées par nos maîtres de forges dès le milieu du XIXe siècle et portées à leur faîte par le directeur général de l'Arbed, Émile Mayrisch, et son épouse Aline de Saint-Hubert. Largement inspiré par le paternalisme rhénan et français, le couple agit sur de très nombreux plans: à la construction de cités ouvrières, de crèches, d'hôpitaux et d'autres édifices à vocation sociale, s'ajoutent les services de prévention médicale et de protection familiale ainsi que tout un système de gratifications, de pensions et d'assurances mis en place au fil des années. Ces mesures volontaires décidées par un patronat qui, il est vrai, n'agit pas toujours d'une manière tout à fait désintéressée, revêtent un caractère modèle, à tel point que la classe politique nationale se contente bien des fois d'en imiter l'exemple lorsqu'elle met progressivement en place l'État-providence.
Combien la neutralité, voire l'indépendance de cet État sont menacées par l'expansion spectaculaire de la branche sidérurgique à la veille du premier conflit mondial, se mesure aux conclusions tirées de la première partie d'une enquête de Charles Barthel et de Michel Kohl consacrée aux épisodes anniversaires de 1911 en général, et à l'édification du complexe de Belval en particulier. Les fondateurs de la nouvelle usine ne répugnent en effet pas à se mêler ouvertement des politiques fiscale et de sécurité intérieure du gouvernement de Paul Eyschen en stimulant par là une satellisation croissante du Luxembourg par le Reich allemand. Pire! Les erreurs de planification en matière des infrastructures de transport à Belval fournissent aux militaires prussiens un excellent prétexte pour étendre leurs préparatifs de guerre au Grand-Duché. Aussi ne faut-il pas s'étonner si Emil Kirdorf profite de l'ouverture des hostilités en 1914 pour réclamer l'annexion du pays.
Conformément à la ligne éditoriale des volumes précédents, Terres rouges offre à ses lecteurs un instrument de travail fort utile avec la publication, en annexe, d'un tableau réalisé par Michel Kohl et Sally Scholer et comprenant la liste complète des membres du conseil d'administration de l'Arbed, depuis la naissance de l'entreprise en 1911 jusqu'à son intégration, en 2002, au sein du groupe Arcelor.